Où en est la filière Paillettes ? Vous savez, ce projet un peu fou visant à créer une micro-filière territoriale de recyclage des déchets plastiques. Après trois années d’expérimentation, la filière fait face à son plus grand défi : trouver son équilibre pour durer. Il est temps de changer d’échelle, mais sans renier ses principes fondateurs. 

Le nerf de la guerre : le modèle économique

Trois années d’expérimentation ont été nécessaires pour faire émerger ce projet complexe et unique en France. Il a fallu fédérer les acteurs, réaliser les investissements de départ, valider la faisabilité technique, identifier les premiers gisements de plastique, et bâtir une logistique de collecte et de broyage.

Un groupe de travail régulier réunit chaque mois les opérateurs de terrain (Aire Trésor à Die, EBE Val d’Emploi à Livron-sur-Drôme, Fab Unit à Eurre) et leurs soutiens institutionnels (les trois intercommunalités de Biovallée et l’association Biovallée). L’équipe projet bénéficie également de l’appui de Mélanie Clidière, experte des filières d’économie circulaire, grâce à un financement d’État obtenu par la Fab Unit.

Si la coopération reste le moteur du projet, et que les volumes de paillettes recyclées continuent de croître, une question centrale demeure : comment assurer la viabilité économique de cette filière ? Pour maintenir ses impacts – réduction des déchets, création d’emplois, insertion – un équilibre financier devra être trouvé dans les prochaines années.

 

“Un moment pivot pour le projet”

Lors de l’assemblée annuelle des acteurs du programme programme Territoire d’Innovation Biovallée, le 8 octobre dernier, Clémence Richeux, directrice du Groupe Archer (maison mère d’Aire Trésor), partageait un message à la fois lucide et porteur d’espoir :

“La filière Paillettes a nécessité une longue phase d’expérimentation, c’est normal pour un projet aussi complexe et ambitieux. Aujourd’hui, nous vivons un moment pivot : il faut passer à l’échelle supérieure, produire davantage, gagner en qualité, diversifier nos clients et massifier nos gisements.
Au départ, nous imaginions une micro-filière très locale, mais pour garantir la qualité, il nous faut désormais aller chercher des plastiques un peu plus loin. De même, pour écouler nos volumes de broyat, nous devons identifier des clients en dehors du territoire et répondre à leurs exigences. L’enjeu, c’est de pérenniser la filière sans perdre son âme.”

Des soutiens locaux et nationaux indispensables

Face à un tel défi, chaque soutien compte, et d’abord celui des collectivités locales, garantes de l’ancrage territorial du projet.
Les trois intercommunalités de Biovallée affichent désormais un engagement clair et coordonné.

“Le projet est maintenant beaucoup plus clair en terme de gouvernance et de modèle économique, ce qui va simplifier la possibilité de soutenir la filière et de s’impliquer dans le projet” 

Philippe Huyghe, vice-président de la communauté de communes du Crestois et du Pays de Saillans, lors du comité de pilotage de juin 2025.

La Communauté de communes du Diois finance déjà la tonne de plastique détournée, et une action commune aux trois intercommunalités a été validée dans le cadre du Contrat d’Objectif Territorial.

Au niveau national, une prime à l’incorporation de matières recyclées pourrait renforcer la compétitivité du plastique recyclé face au plastique vierge. Et à l’échelle européenne, des normes plus ambitieuses sur l’intégration de plastique recyclé viendraient conforter des initiatives comme Paillettes.

En attendant, le levier le plus immédiat semble résider dans un rapprochement avec les éco-organismes chargés du traitement des déchets. Une première expérimentation est d’ailleurs en cours avec Ecologic, afin que tous les canoës et paddles collectés en Drôme-Ardèche soient désormais traités par la filière Paillettes.

L’équation est subtile : grandir, se structurer, se professionnaliser, tout en restant fidèle aux valeurs fondatrices — coopération, impact social et environnemental, ancrage local. Un défi à la hauteur de l’ambition de Paillettes, qui continue de démontrer, paillette après paillette, que l’économie circulaire a de l’avenir sur notre territoire.

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