Petit-duc scops Otus scops
Pour mon premier article dans le journal de Biovallée je voudrais vous parler d’un oiseau assez commun mais bien particulier : découvrons-le ensemble.
J’attends toujours avec un peu d’impatience le moment où j’entends le chant fluté du petit-duc. Ce chant à la note unique, douce, régulière, espacée de la suivante de quelques secondes, cette note caresse mon oreille et me rassure.
C’est ainsi, chaque début avril j’ai une petite appréhension : reviendra-t-il ? Vais-je le réentendre ? Il y a tant d’embûches dans la migration. Il y a ce Sahara à traverser deux fois, une à l’automne et l’autre au retour en ce début de printemps. C’est pourquoi, lorsque je le retrouve, que je l’entends de la terrasse de notre maison, le soir à la tombée du jour ou au milieu ou en fin de nuit, c’est un plaisir et un soulagement : IL est revenu, il est là, la vie continue pour lui. Ouf !
Imaginez ce petit bout de rapace nocturne haut de vingt centimètres, comme la longueur de son aile, de moins de 100 g, voler jusqu’au sud du grand désert, là où il trouvera sa nourriture, là où il trouvera les insectes dont il se régalera pendant la mauvaise saison. C’est, comme son nom l’indique, le plus petit des hiboux de chez nous. Il y a le grand duc (Bubo bubo), 1,5m d’envergure, c’est l’aigle de la nuit, rupestre, prédateur de lièvres, renards… Il y a le moyen duc (Asio Otus), un mètre d’envergure, fréquentant plutôt la plaine de Valence Romans, squattant des nids de corvidés et chassant les campagnols à l’affût. Les « grands » sont sédentaires car ils trouvent leurs proies toute l’année, le « petit », insectivore, doit migrer pour survivre à l’hiver. Cela ne vous a pas échappé les insectes sont bien rares, même si les longues nuits favorisent nos nocturnes. Cependant, il arrive que certains individus hivernent dans le sud de la France (Port-Cros est bien connu pour ses petits-ducs sédentaires).
Bon ! Donc petit-duc revient début avril, voire fin mars, mais, parfois, il traîne un peu en route et il peut n’arriver qu’en mai (comme la bondrée, autre rapace migrateur) et il nous quitte en septembre voire début octobre.
Entre temps, il chante, cherche l’âme sœur et prend son temps pour nicher. C’est dans la cavité d’un pic qu’il élève deux à six petits, selon la quantité de nourriture disponible. Cette nourriture dépend de l’abondance des insectes… C’est là qu’il rencontre des difficultés, car des insectes, des gros, des juteux, surtout des orthoptères, il y en a de moins en moins, mais cela est une autre histoire … Il peut se rabattre sur quelques rongeurs, lézards, rainettes mais ce n’est pas vraiment ce qu’il préfère.
La « littérature » ornithologiste annonce que le petit-duc fréquente les boisements clairs de feuillus et mixtes (feuillus et résineux): bosquets, jardins, parcs publics, arbres d’alignements, ripisylves … forêts de basses altitudes. Tout cela est vrai bien sûr mais je ne sais pas ce que l’on veut dire par « basses altitudes ». Je l’entends chaque année à Boulc, Treschenu-Creyers, Glandage à plus de 1000m dans des endroits à dominance résineuse. Est-ce encore des « basses altitudes » ? Je dis cela juste pour chicaner, sans plus, bien sûr. En Drôme, il est encore courant dans une grosse moitié sud-est mais on peut l’entendre un peu partout, avec les changements climatiques, il pourrait bien remonter vers le nord.
Les oisillons, à peine éclos, quitte rapidement le nid, bien avant de savoir voler, on dit qu’ils sont nidifuges. Il y a des avantages et des inconvénients à ce système de fonctionnement. L’avantage premier est : avec la dispersion, les prédateurs ont plus de mal à localiser les jeunes et si un se fait boulotter, les autres peuvent s’en sortir. L’inconvénient est : les parents doivent pouvoir les localiser pour les nourrir et dans la nuit ce n’est pas une mince affaire.
De plus, un dommage collatéral, basé sur de bonnes intentions, se produit fréquemment en cette période critique. Des personnes, voyant ce petit rapace « perdu », blotti au sol, immobile, souvent au bord d’une route, récupèrent l’oisillon. En toute bonne foi, ils pensent le sauver, croyant qu’il est tombé du nid. Grosse méprise, cet oiseau compte sur son mimétisme pour échapper au prédateur et moins il bouge plus il passe inaperçu, surtout la journée. Ainsi, ne sachant plus que faire de ce « rapaçounet », souvent il atterrit chez moi. Si la personne l’a ramassé peu de temps avant, nous allons le remettre au même endroit, à l’abri de la circulation, les parents le retrouveront sans problème. Par contre si quelques jours ont passé, car les gens essaient de le nourrir pour le sauver, il est plus difficile de le réinsérer, les adultes risquent de ne plus s’en occuper. Je suis donc obligé de l’emmener dans un centre de soin agréé et ce n’est pas la porte à côté. Dommage car les parents font le travail bien mieux que nous.
Tout cela pour dire : si vous voyez un petit duc abandonné, laissez-le, s’il est sur une route ou à la merci d’un chat, mettez-le sur une branche à proximité, mais, surtout, ne le ramenez pas à la maison.
Voilà donc l’histoire d’un duc bien petit mais très attachant, maillon d’une biodiversité proche de nous. La prochaine fois, j’aborderai, sans doute, un autre sujet d’actualité.
Gilbert DAVID
Vice-président LPO Drôme-Ardèche