Le 5 avril dernier, le conseil d’administration de l’association Biovallée a accueilli deux nouveaux membres : Serge Krier et Céline Poret, élus lors de l’assemblée générale qui s’est tenue le même jour. (Crédit photo : Serge Krier, Le Dauphiné)

 

Quel est leur parcours ? Qu’est-ce qui a motivé leur engagement ? Que souhaitent-ils apporter à l’association Biovallée ? Pour vous permettre de faire connaissance, nous leur avons donné la parole :

 

Serge Krier : « poursuivre un engagement de longue date »

Comment avez-vous connu l’association Biovallée ?

J’étais présent en 2009, en mairie d’Eurre, en tant que maire et membre du bureau de la communauté de communes du Val de Drôme à la signature du contrat Grand projet Rhône-Alpes Biovallée (GPRA), entre les 3 communautés de communes et le président de la région de l’époque Jean-Jack Queyranne. J’étais là aussi à la création de l’association Biovallée en 2012. Il fallait faire vivre, au delà des intercommunalités, notre vision d’un éco-territoire, la Biovallée, et donc mobiliser la société civile. Mais cette idée de faire territoire autour d’un projet « bio » est née bien auparavant.

L’histoire de la Biovallée, et de l’association Biovallée, s’inscrit dans l’histoire du développement de l’agriculture biologique et de la culture des plantes aromatiques et médicinales dans la vallée de la Drôme, une histoire à laquelle j’ai été un peu mêlé… D’ailleurs, la première affiche de promotion de la Biovallée : « la terre du savoir bio », est illustrée par une photo d’un champ de mélisse prise sur ma ferme, elle date de la fin des années 90 !

Quel est votre lien au territoire ?

Je vis dans la vallée de la Gervanne, j’y suis agriculteur, en bio depuis 35 ans. J’ai été président de la SICA Bioplantes. J’ai été conseiller municipal de 1989 à 2020 de la commune de Suze, maire de 2008 à 2020. Sous mes mandats, la commune a entrepris une transition écologique novatrice et exemplaire.

A l’intercommunalité du Val de Drôme, j’ai été délégué à l’agriculture, puis conseiller communautaire et membre du bureau, vice-président en charge de l’agriculture et de l’agroalimentaire de 2014 à 2020, président de la commission agricole de la vallée de la Drôme de 2014 à 2020, qui réunissait tous les acteurs agricoles des territoires des 3 communautés de communes. Pendant les 6 années de ma vice-présidence, nous avons réussi à réaliser des projets échafaudés pendant les 30 années précédentes… Vice-président, j’ai été amené lors de déplacements en France et à l’étranger, à présenter et à représenter, de fait, la Biovallée. Elle a une renommée nationale et internationale mais ici elle peine à être reconnue…

Quelle est l’histoire de votre engagement pour la transition écologique et sociale ?

Je suis un agriculteur bio engagé dans la défense de l’agriculture biologique, j’ai été co-porte-parole d’Agribiodrôme, vice-président de la fédération régionale de l’agriculture biologique (FRAB), et je suis de nouveau administrateur à Agribiodrôme depuis que je n’ai plus de mandat d’élu local.

Je défends une agriculture biologique paysanne, qui prend soin du vivant et de la terre, qui préserve les ressources naturelles, qui respecte ses salariés, leur offre de bonnes conditions de travail et des salaires justes. Je défends l’accès à une alimentation saine et de qualité pour tous et je m’investis dans un travail de réflexion avec d’autres sur la mise en place d’une sécurité sociale alimentaire.

Mon engagement en faveur de la transition écologique vient des constats scientifiques préoccupants qui se sont succédés à partir des années 70 mais aussi de mes observations personnelles au fil des ans quant à la dégradation de l’environnement, la disparition des espèces, l’appauvrissement des sols, la pollution des eaux de surface et souterraines, phénomènes qui ne font qu’empirer, délétères pour notre santé.

Je suis convaincu qu’il n’y aura pas de transition écologique sans un changement fondamental des pratiques agricoles actuelles. Tout est étroitement lié : agriculture, alimentation, santé, biodiversité, économie, partage du territoire, éducation, transports, consommation d’énergie, urbanisme…

Si votre engagement est déjà nourri par votre vie professionnelle, quel besoin de vous engager ailleurs ?

J’ai la volonté de continuer à œuvrer au développement de notre territoire dans le sens de ce qui a été initié ici précédemment, plus largement de continuer à œuvrer au maintien des conditions d’habitabilité de notre planète, à un futur désirable pour nos enfants.

Il y a urgence à agir maintenant pour éviter le pire. Agir à notre échelon pour le bien de tous, ensemble les uns avec les autres ou en complémentarité, laisser de coté luttes de pouvoir et rivalités, se partager le travail en fonction de ses domaines d’actions et compétences, multiplier ainsi les champs de diffusion, atteindre et sensibiliser le plus grand nombre sans décourager personne, ouvrir des voies pour embarquer les gens dans la co-construction d’un territoire où il fait bon vivre.

Je ne m’engage pas « ailleurs » en entrant au conseil d’administration de l’association Biovallée, je poursuis mon engagement de longue date, un engagement professionnel, politique et citoyen.

Que souhaitez-vous apporter à l’association ?

A l’association Biovallée, je peux apporter mes connaissances et mon expérience de terrain, mon ancrage et mes convictions…

Que peut vous apporter l’association ?

Un porte voix ! Un espace d’échanges et de partages avec d’autres personnes soucieuses de l’intérêt général, actrices et acteurs de changement au bénéfice d’un développement territorial durable.

Un mot sur les rencontres annuelles de l’association Biovallée qui se sont tenues le 5 avril ?

Mettre les bonnes volontés autour d’une table, impliquer les citoyens, organiser des temps de dialogue, permettre des rencontres, des partenariats entre acteurs publics et privés pour avancer dans la construction partagée de programmes de développement écologique qui répondent à l’intérêt collectif : n’est ce pas le rôle de cette association ?

La Biovallée, c’est d’abord l’affaire de ses habitants, c’est ce que l’association doit incarner.

 

Céline Poret : « apporter ma sensibilité »

Comment avez-vous connu l’association Biovallée ?

J’ai entendu parler de Biovallée avant de savoir réellement ce que ce mot recouvrait. C’était un peu avant 2015, avant que je ne décide de venir vivre ici avec mon compagnon. J’avais identifié Crest comme un bel endroit pour vivre (je sais, je ne suis pas la seule…) et à l’époque, on pouvait m’entendre dire « et en plus, il y a Biovallée ». Pour moi, c’était le territoire avec la plus grande concentration d’agriculture biologique. Ma connaissance n’allait pas plus loin que cela. Le premier vrai contact s’est fait lorsque j’ai participé aux premières initiatives du Territory Lab… Mais j’avais encore une compréhension bien floue de ce qu’était Biovallée. Et puis, travaillant à l’époque sur une mission avec la Frapp, j’ai suivi d’assez près l’aventure du projet Territoire d’innovation pour laquelle Thierry Véclin et Karine Mezler étaient très engagés.

Quel est votre lien au territoire ?

Je suis arrivée ici en juillet 2015 après près de 15 ans en grande ville. Ayant passé toute ma jeunesse dans le bocage normand dans une ville de 13000 habitants, vivre dans d’aussi grandes villes étaient pour moi un bug. Avant d’arriver ici, j’avais fréquenté le territoire à plusieurs occasions. J’y avais d’abord travaillé en animant, avec Olivier Massicot, deux sessions de formation au forum ouvert, aux Amanins. J’étais aussi venue aux journées de l’écologie à Die. Et puis, je connaissais déjà quelques personnes qui y habitaient. À part cela, je n’en connaissais pas grand chose. J’étais sensible à la proximité de ce territoire avec le Vercors.

Quelle est l’histoire de votre engagement pour la transition écologique et sociale ?

En 2007, j’ai quitté la multinationale dans laquelle je travaillais car je n’y trouvais plus aucun sens. J’y étais rentrée 12 années auparavant. J’y ai travaillé avec enthousiasme mais j’ai vu, au fur et à mesure du temps qui passait les effets de la financiarisation de l’économie. La logique industrielle a disparu au bénéfice de celle des profits financiers et je ne parvenais plus à adhérer à la logique de l’optimisation à tout prix et du toujours plus. Je ne me sentais plus du tout à ma place. Je me retrouvais lorsque je partais en vacances. A l’époque, je partais marcher sur de longues distances, en itinérance et je partageais une vie faite d’essentiel avec les hommes des déserts ou des grandes montagnes. Cela rentrait certainement en forte résonance avec la vie simple (et laborieuse) que menaient mes grands-parents agriculteurs. Rentrer à Paris à la fin des vacances et rejoindre les tours de la Défense pour travailler me devenaient de plus en plus difficile. En bref, je travaillais pour m’évader… il était temps d’inverser les choses. Le bilan de compétence que j’ai réalisé m’a assez naturellement orienté vers ce qui s’appelait à l’époque le « développement durable » et qui correspondait plus à mes valeurs. J’ai donc suivi un master en politiques environnementales et développement durable avec l’espoir de rejoindre une association ou une collectivité sur ces sujets. Et puis, comme je me passionnais vraiment pour tous ces sujets, je lisais, j’allais dans des conférences, colloques, etc… alors j’ai croisé des personnes très inspirantes dont Pierre Rabhi qui m’a alors beaucoup touchée. Je me suis engagée pendant plusieurs années auprès des Colibris pour lesquels j’ai animé des rencontres collectives à de nombreuses reprises. Dans le même temps, j’ai rejoint une SCOP engagée dans le domaine du dialogue territorial : Médiation et environnement. J’ai travaillé pour cette structure deux ans, à Bordeaux, sur des enjeux autour de l’eau et de l’urbanisme. Après les avoir quittés, j’ai rejoint la CAE Oxalis, elle aussi très engagée où j’ai développé mon activité en lien avec l’intelligence collective, la gouvernance partagée et le dialogue territorial. J’ai alors souvent entendu dire : « ah, tu fais partie d’Oxalis, ceux qui veulent changer le monde ! ». C’était vrai bien sûr. Mais pour moi, Oxalis était surtout un lieu d’innovation sociale et j’avais envie d’en être ! Mes clients étaient pour beaucoup des associations, des collectivités, des coopératives, voire des groupes de citoyens ; bref, plutôt des personnes engagées pour le commun. J’ai continué à cheminer avec tout cela. Aujourd’hui, je suis particulièrement touchée par la pensée développée autour du vivant (voir notamment Baptiste Morizot), et de la nécessaire réinvention d’une diplomatie avec les êtres qui nous entourent et auxquels nous sommes intrinsèquement reliés.

Si votre engagement est déjà nourri par votre vie professionnelle, quel besoin de vous engager ailleurs ?

J’accompagne beaucoup de collectifs pour les aider à mieux fonctionner ensemble. En m’engageant au sein de l’association Biovallée, je rentre dans un collectif qui oeuvre au service d’une dynamique territoriale. Je suis heureuse à l’idée de vivre les joies et les difficultés des collectifs de l’intérieur. Et puis j’ai envie de contribuer à la préfiguration d’autres modèles sur le territoire que j’habite, avec les gens qui vivent ici. J’ai envie de contribuer à faire territoire ensemble, entre les humains et les autres êtres vivants. J’ai la conviction que ce qui se présente à nous nous invite à deux choses : la créativité et à nous rassembler au-delà de nos divergences pour réfléchir, construire, avancer ensemble. Je n’ai pas envie d’un monde où il y aurait les gentils et les méchants. J’ai envie d’oeuvrer avec d’autres à trouver, expérimenter, ajuster des voies. Ce territoire est riche des personnes qui l’habitent. Mais son habitabilité est menacée par les grands changements qui s’annoncent. J’ai envie de contribuer à prendre soin de tout cela. Je le ferai à ma mesure. Celle d’une femme, mère d’un enfant de 7 ans, ayant une activité professionnelle indépendante.

Pourquoi l’association Biovallée plutôt qu’une autre structure engagée sur ces sujets ?

Parce que c’est un projet de territoire. Parce que je suis en confiance avec les personnes salariées et les bénévoles qui y travaillent. Et puis parce que Biovallée rayonne au-delà et que j’ai toujours eu en tête que ce territoire était un territoire d’anticipation… Je dirais aujourd’hui plutôt de préfiguration. Et je trouve cela particulièrement précieux.

Que souhaitez-vous apporter à l’association ?

La réponse spontanée qui me vient concernant ce que je peux apporter, c’est ma sensibilité. Les sujets sont souvent abordés de manière technicienne, moi, je les aborde plutôt sous l’angle humain, certaines personnes parleraient de sciences sociales appliquées aux changements. Alors je ne sais pas trop où cela trouvera sa place au sein de l’association. Mais mon expérience montre qu’aucun changement profond et durable n’est possible sans cette dimension.

Que peut vous apporter l’association ?

Certainement beaucoup mais je ne me suis pas posé la question et cette question ne m’intéresse pas vraiment. Je fais souvent les choses par intuitions et avec élan. J’ai rejoint le conseil d‘administration de l’association Biovallée avec cette même dynamique.

Un mot sur les rencontres annuelles de l’association Biovallée qui se sont tenues le 5 avril ?

J’avais participé à la rencontre à la Fondation Robert Ardouvin l’année dernière. Cette année, j’ai eu l’impression qu’il y avait des personnes qui venaient de plus loin ou qui n’étaient pas nécessairement adhérentes. Je suis pour l’ouverture, même si parfois, ça frotte. J’ai beaucoup apprécié la convivialité et l’accueil, les questions abordées et la grande ouverture des personnes qui ont animé les ateliers. J’ai aimé les échanges dans la simplicité et la sincérité. J’ai été, pour ma part, moins touchée par la fresque historique un peu sèche pour moi qui suis sur le territoire depuis moins longtemps mais j’ai adoré les histoires racontées autour des événements qui ont été choisis. J’aime les récits. J’ai appris beaucoup de choses et suis partie avec de nombreux sujets à creuser.

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