Le développement de modèles agricoles alternatifs au sein de filières déjà en place est souvent freiné par des verrous techniques (connaissances, infrastructures et matériels disponibles) et sociaux (marginalisation, manque de soutien). Cependant, la vallée de la Drôme révèle que ces verrous peuvent être dépassés comme en témoigne la démarche collective de plusieurs coopératives agricoles du Diois dans les années 1990. 

[Episode 3 sur 5 de la série : la transition agroécologique dans la vallée de la Drôme vue par les chercheurs]

 

Des lavandes et des céréales, quand les coopératives agricoles coopèrent

Saviez-vous que pour être bio une culture doit être cultivée sur une parcelle où toutes les cultures suivantes sont bio ? Saviez-vous aussi qu’après plusieurs années de culture de lavande, la parcelle est souvent cultivée quelques temps en blé ?

C’est de cette pratique agricole permettant de nettoyer les parcelles et de cette règlementation que s’initie la coopération entre plusieurs coopératives agricoles dans le Diois dans les années 1990. A cette époque, la coopérative de plantes aromatiques et médicinales souhaite développer la production bio, elle se rapproche donc de la coopérative céréalière qui y voit un intérêt pour se démarquer avec une production de qualité.

Ce rapprochement est l’impulsion qui donne naissance à une démarche collective regroupant quatre coopératives agricoles (plante aromatique et médicinale, céréale, approvisionnement, viticole) pour développer l’agriculture biologique sur le territoire. Au-delà de coopérer ensemble, les coopératives vont réussir à réunir les acteurs agricoles (la Chambre d’Agriculture et le Centre de Formation Professionnelle et de Promotion Agricoles de Die) mais également l’intercommunalité du Diois et le Conseil général de la Drôme autour d’un projet commun de développement de l’agriculture bio sur le territoire qui démarre en 1991.

La coopération entre l’ensemble de ces acteurs qui font converger leurs intérêts aboutira d’une part à la construction d’infrastructures dédiés à la production, au stockage et à la transformation bio ainsi qu’à la montée en compétence sur le bio, déverrouillant ainsi les freins techniques, et d’autre part au changement de regard sur l’agriculture bio et à la mise à l’agenda de celle-ci sur le territoire et au-delà, déverrouillant cette fois-ci les freins sociaux. Les bases de la structuration des filières bio seront ainsi posées sur le territoire.

 

Enseignements généraux pour la transition agroécologique d’un territoire

L’initiative et la démarche collective de quatre coopératives agricoles du Diois s’associant dans les années 1990 avec les autres acteurs du territoire, renseigne sur les facteurs favorisant le développement de l’agriculture biologique au sein d’un modèle agricole déjà en place et non encore tourné vers le bio.

Une structuration territoriale d’une filière biologique peut conduire à une structuration plus globale : la structuration de filières biologiques à l’échelle d’un territoire peut être le moteur d’une structuration de ces filières à l’échelle départementale et régionale.

L’implication d’une partie assez large des acteurs du système agri-alimentaire favorise la structuration de filières biologiques : la mise en relation multi-acteur, ici entre les acteurs de la production agricole, de l’approvisionnement, de la transformation, de la distribution, du conseil et des politiques publiques, permet de poser des bases solides pour la structuration de filières biologiques sur du long terme.

La mise en réseau des agriculteurs biologiques et conventionnels facilite la structuration de filières biologiques au sein du système agricole dominant : construire un relationnel de qualité permet l’interconnaissance, le transfert de connaissances, le partage de valeur et la convergence d’intérêts. L’effet est d’autant plus fort si les instances de gouvernance offrent une place décisionnaire aux agriculteurs biologiques.

 

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