Lassociation Biovallée a eu le privilège daccueillir le biochimiste et docteur en biologie moléculaire, Fernando Mendive, père de la bioprospection interculturelle, tout droit venu du Pérou pour partager avec nous son expérience de la création d’une filière de plantes médicinales avec les communautés autochtones.      

Capitaliser les savoirs utiles à la transition et les transmettre, telle est lune des trois principales missions que nous nous sommes fixées, à lassociation Biovallée, pour contribuer à la transition écologique du territoire. Si nous cherchons très souvent du côté des savoirs locaux, multiples comme vous le savez en Biovallée, nous aimons également prospecter du côté des savoirs ancestraux par-delà le monde.  Après la visite du peuple kogis de la Sierra Nevada colombienne cet automne, c’est du côté de la forêt amazonienne que nous sommes allés cueillir savoirs connaissances et retours d’expériences.    

Les vertus de la diversité culturelle et biologique

À loccasion du 3ème colloque des plantes à parfum aromatiques et médicinale, organisé par notre association, notre invité, Docteur Fernando Mendive, est intervenu pour participer au travail collectif qui faisait l’objet de l’évènement : partager et inventorier les solutions pour faire face aux crises environnementales et sociétales. Lors de son intervention, il a démontré que la diversité culturelle était un moyen dadaptation aux changements climatiques.

«  La diversité culturelle aide à entretenir et renforcer la résilience d’une population, c’est ce qu’on observe quand des groupes humains (soit les paysans-herboristes en France ou les peuples autochtones en Amazonie) maintiennent un rapport avec les plantes médicinales et les savoirs pour les utiliser en sécurité et efficacité, ils engendrent une forme de diversité culturelle face à la culture hégémonique, qui peut devenir une source de survie là où les savoirs médicinaux modernes ne donnent pas nécessairement de véritables solutions. »

Il en va de même pour la diversité biologique, nous a-t-il rappelé. En effet, plus la diversité génétique est élevée chez une espèce, plus son risque d’extinction est réduit. Alors quel meilleur exemple à suivre, et à protéger, que l’Amazonie : il y existerait plus de 20 000 espèces, rien que dans la partie péruvienne !

« La création de diversité, c’est la stratégie de la vie pour se perpétuer, pour assurer la survie sur la planète malgré les changements qui pourraient advenir. »

Une diversité également bénéfique aux changements socio-culturels.  En effet, pour préserver et valoriser les savoirs ancestraux, le gouvernement péruvien a entrepris un inventaire. Il existerait  près de 7000 savoir-faire traditionnels, détenus par 95 communautés indigènes. Trop longtemps ces savoirs ont été soit volés soit méprisés… C’est une transformation culturelle qu’il faut initier !   

 

La bioprospection interculturelle comme méthodologie

Une transformation culturelle… C’est là toute l’idée de la filière de plantes médicinales qu’a mis en place Fernando Mendive et son équipe au sein du laboratoire des produits naturels du centre Takiwasi dont il était en charge. Il sagissait de mettre au point une méthodologie pour créer et mettre sur le marché de nouveaux produits en impliquant les communautés autochtones, valorisant ainsi leur culture.  Pour structurer une telle filière, de façon éthique et durable, Fernando Mendive a appliqué la bioprospection interculturelle.

« C’est une méthodologie : des concepts mais aussi un état d’esprit, où un groupe de personnes appartenant à des cultures différentes, échangent, dans le respect réciproque et égalitariste, leurs savoirs liés à l’usage de la diversité biologique, pour trouver/donner des réponses innovantes aux besoins de l’être humain dans son environnement. »

  Une méthodologie qui implique de :

  • considérer les savoirs traditionnels comme complémentaires à ceux de la culture industrielle (contrôle de qualité et procédures de fabrication, accès au marché, économiques, régulations, autorisations de mise sur le marché, etc.)
  • utiliser et donc valoriser les savoirs traditionnels liés à la domestication d’espèces, aux techniques de récolte, aux méthodes de transformation des plantes, mais aussi les connaissances médicinales sur les dosages, effet secondaires, contre-indications, et les soins complémentaires.
  • reconnaître explicitement l’apport des savoirs traditionnels dans le développement et l’élaboration du produit
  • proposer et négocier des mécanismes pour assurer une distribution équitable des bénéfices selon la participation des savoirs provenant d’une culture et de l’autre, les apports financiers
  • et enfin… stimuler la coopération entre experts des deux cultures.

L’expérience a porté ses fruits !  Selon Fernando Mendive, le projet a abouti à la création par le gouvernement péruvien d’un registre élaboré avec 8 communautés, consignant plus de 1000 savoirs traditionnels sur l´usage des plantes médicinales, à la création d’une ferme expérimentale dédiée à la domestication des plantes collectées avec le concours des femmes indigènes formées pour l’occasion, le développement et mise sur le marché de produits finis avec de la valeur ajouté, et enfin à une distribution plus équitable des bénéfices.

«L’expérience a également permis de développer des façons de se lier plus écologiquement avec des êtres vivants non humains. »

Quels enseignements pour la Biovallée ?

  • Chez les peuples autochtones on observe toujours le rôle central de « la communauté », l’exercice de la démocratie directe, le travail en commun et la solidarité envers les voisins, comme des aspects de fonctionnements socioculturels qui contribuent à mieux gérer les besoins locaux. Quand ailleurs, les décisions clés sont prises par le gouvernement central, complètement hors contexte et, parfois, loin des intérêts des citoyens.
  • S’inspirer des cultures où le lien au vivant et la vie en général ont un caractère sacré. Voir la différence plutôt comme une diversité et admettre que c’est là que se trouvent certaines réponses aux problématiques de transition et d’adaptation.
  • Chercher parmi cette diversité, des façons innovantes et durables de lier les êtres vivants à leur environnement, sans établir des relations de pouvoir et dans le respect de toutes les formes de vie sur terre.

 

Une rencontre très riche pour notre association et qui fait échos à notre travail d’exploration culturelle sur le lien au vivant et à la capitalisation des savoirs et connaissances du territoire. Nous avons d’ailleurs, nous aussi, amorcé un inventaire des savoirs utiles à la transition écologique et sociale, inspiré des acteurs du territoire, avec l’ambition de les diffuser le plus largement possible… Un jour bientôt, irons-nous peut-être à notre tour présenter la richesse de notre territoire outre atlantique !

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