Parlement de Loire, appel du Rhône, droits du fleuve Garonne… la question de la personnalité juridique des cours d’eau a le vent en poupe, mais que recouvre cette notion ? L’association Biovallée poursuit ses explorations sur nos manières d’être au monde et a accueilli Nathalie Reynet en stage en juillet dernier pour y voir plus clair.

 

Qui dit personnalité juridique, dit juridique

Dans le droit français la personnalité juridique est une aptitude à être titulaire de droits (qui peuvent être défendus en justice) et à être assujettie à des obligations (telles que l’obligation de payer des impôts selon les règles définies). Les êtres humains (personnes physiques) ainsi que les associations déclarées et les sociétés immatriculées (personnes morales) sont dotés de la personnalité juridique.

Une personne, physique ou morale, dotée de la personnalité juridique est vue comme un sujet de droit. Par contre, les êtres vivants non humains et les éléments naturels ne sont pas dotés de la personnalité juridique, ils sont donc vus comme des objets de droit. Cela ne signifie pas que tout est permis les concernant, au contraire, le droit français définit des règles de protection (il est par exemple interdit de capturer, détenir ou tuer les castors).

 

Changer la façon de voir la place de l’humain

Un mouvement pour les droits de la nature a émergé depuis les années 1970. Pour ce mouvement, la manière dont les éléments naturels sont perçus dans le droit (objets de droit) implique une vision humanocentrée, c’est à dire que ces éléments sont considérés via le point de vue humain et de ses seuls besoins, et non via leur point de vue propre. Cela interroge sur la capacité du système juridique à porter les intérêts spécifiques de ces éléments naturels.

Les initiatives fleurissantes concernant la reconnaissance de la personnalité juridique des fleuves et des rivières mettent en avant cet enjeu de changer la façon dont on les perçoit et dont on les considère. En les plaçant en tant que sujets de droit, leurs intérêts exclusifs seraient mis en avant dans l’idée de leur assurer une protection réelle et effective. Au-delà du droit, c’est une nouvelle façon de penser qui transforme aussi la manière dont l’humain perçoit sa place dans la nature, celui-ci devenant un sujet parmi et au même niveau que les autres.

 

Mais le droit n’est pas le même partout

Plusieurs actions de reconnaissance de droits à la nature ont vu le jour dans le monde depuis une vingtaine d’années. Certaines ont eu de forts éclairages médiatiques comme la reconnaissance à la rivière Whanganui d’une personnalité juridique propre en Nouvelle-Zélande en 2017 ou la reconnaissance du fleuve Atrato en tant que sujet de droit en 2016 en Colombie.

Si ces initiatives peuvent être inspirantes, il est important de les étudier chacune en fonction de leur contexte et du système juridique dans lequel elles s’inscrivent, qui diffèrent en fonction des pays. Les initiatives se déroulent pour beaucoup dans des systèmes juridiques qui ne fonctionnent pas comme le système français (jurisprudence et droits des peuples autochtones par exemple). En Europe, il est à noter la reconnaissance de la personnalité juridique à la lagune de la Mar Menor en Espagne en 2022. En Nouvelle-Calédonie, une législation spécifique issue du code de l’environnement de la province des îles Loyauté a ouvert la voie à la reconnaissance de la personnalité juridique d’éléments de la nature dans cet archipel, en tenant compte de la relation particulière de la population Kanak à la nature.

En considérant le système juridique français, plusieurs collectifs constitués autour des droits des fleuves et des rivières explorent ces questions de la nature-sujet, de la nature-sujet de droit et de la représentation de la nature à travers une diversité d’approches.

 

Pour en savoir plus

 

Cet article se fonde sur le travail que Nathalie Reynet a réalisé durant son stage d’immersion Pôle Emploi à l’association Biovallée durant le mois de juillet 2023. L’association remercie chaleureusement Nathalie pour tout le travail effectué.

 

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