C’est un fait : il existe en Biovallée une véritable culture de la coopération grâce à laquelle notre territoire a acquis ses lettres de noblesse en matière de transition écologique et sociale par le passé. Les exemples cités ci-dessous attestent que cette culture est vivace. Mais rien n’est jamais acquis ! Pour entretenir cette culture commune de la coopération et continuer de la mettre au travail, voici quelques enseignements à garder en tête. Qu’ils continuent à inspirer les acteurs de la Biovallée pour atteindre leurs objectifs ambitieux et partagés de transition.

Respecter le temps long de l’interconnaissance

Pour rendre la rivière Drôme baignable, comme pour s’assurer que les agriculteurs pourront continuer à vivre de leur métier et les citoyens à manger local en 2050, les acteurs de l’eau en Biovallée ont pris et continuent de prendre le temps de se concerter… C’est au sein de la commission locale de l’eau de la Drôme que se réunissent les collectivités, les services de l’État, les organisations professionnelles et les usagers. Un espace de rencontre, de délibération animé par le syndicat mixte de la rivière Drôme (SMRD). Pour co-construire une stratégie d’adaptation au changement climatique à l’horizon 2050, la structure a organisé un programme sur deux ans avec deux grands temps de concertation divisés en plusieurs ateliers thématiques. Résultat, le temps de la démocratie est respecté et des relations de confiance se tissent : « à chaque réunion, on voit bien que tout le monde se connaît. L’accueil dure 30 minutes, il y a de l’ambiance, de la convivialité… On se retrouve souvent sur le terrain, on découvre les réalités de travail des uns et des autres. C’est un super travail d’animation de la part du syndicat mixte de la rivière Drôme », témoigne d’un participant. 

Comme le prouve ce cas concret, pour atteindre des conditions propices à la coopération et mener à bien la transition, il faut du temps, notamment pour instaurer une relation de confiance entre les différents acteurs. 

 

Dépasser les intérêts particuliers pour une vision commune

De l’eau, il y en aura de moins en moins dans la rivière et certains acteurs, à commencer par les agriculteurs, en auront besoin de plus en plus, du fait de l’augmentation des températures. Bien sûr, les cultures peuvent changer, l’efficacité de l’usage de l’eau s’améliorer, les paysages évoluer pour mieux ralentir, répartir, infiltrer et stocker les eaux de pluie et de ruissellement. Pour autant, l’économie agricole est fragile, à court terme. C’est pour identifier un chemin de crête entre sauvegarde de l’activité et réduction de la pression sur l’environnement que l’association Biovallée porte des études sur la réutilisation des eaux usées traitées depuis deux ans. Ces travaux mobilisent un grand nombre d’acteurs qui ont, chacun à leur endroit, une part d’intérêt à la réussite du projet et un certain levier pour la permettre. Seul, aucun des acteurs n’aurait pris le risque d’initier un tel projet il y a 4 ans, du fait de sa complexité et des incertitudes réglementaires. L’association a enclenché le mouvement. Si elle était restée seule, elle n’aurait eu aucune chance de le faire aboutir. C’est ensemble, solidaires dans la volonté d’apporter une amélioration agricole, environnementale et sanitaire pour le territoire, que nous pouvons espérer une issue favorable.

La coopération territoriale implique une véritable posture de faire ensemble, où chaque acteur doit être prêt à dépasser ses propres points de vue et intérêts pour atteindre un objectif commun. 

 

Innover et adapter le projet au contexte local

Si la Biovallée est devenue pionnière en agriculture biologique, c’est avant tout grâce à la bonne connaissance du territoire par ses acteurs. Face au constat de terres assez faiblement productives dans le Haut Diois, à l’heure de la modernisation de l’agriculture, c’est le choix de la qualité qui l’a emporté. Comme le disait Thierry Geffray, agriculteur, ancien président de la communauté de communes du Diois et co-fondateur de Biovallée : « nous sommes passés de l’arrière-pays de l’époque productiviste à l’avant-pays de l’époque de qualité ». Toute la filière locale d’agriculture biologique s’est structurée au fil du temps dans cette logique. Aujourd’hui, la communauté de commune du Val de Drôme poursuit la dynamique avec ambition : 7 personnes travaillent au sein de son service agriculture et un pôle Bio accueille sur l’Ecosite du Val de Drôme les structures professionnelles qui accompagnent le développement de la filière.

Comme l’illustre cet exemple, la transition écologique ne peut réussir sans une adaptation au contexte local, et cela nécessite une forte capacité d’innovation permise par l’ingénierie territoriale. La coopération entre acteurs devient alors un levier crucial pour co-construire des solutions sur mesure, adaptées aux spécificités du territoire. « Il ne s’agit pas de copier des modèles existants, mais de s’inspirer d’autres expériences et forger une réponse propre aux ressources et contraintes du territoire », rappelle Yannick Régnier. 

 

Accepter d’avancer dans l’incertitude

On peut attribuer à Carole Thourigny, à l’origine des projets de la Fab Unit et Paillettes, les qualificatifs d’audacieuse et de battante. Paillettes est le nom du projet qui permet la structuration d’une filière locale du recyclage du plastique, dans le but notamment d’approvisionner la Fab Unit, manufacture d’objets de proximité. À la Fab Unit, on transforme les déchets plastiques locaux (canoës, rebus des entreprises,…) en panier à vélo ou en mobilier. Encouragée par les nouvelles ambitions et réglementations nationales en matière de politique environnementale, et le constat d’une fuite de matières pouvant devenir une ressource, Carole Thourigny a tout de même pris le risque de se lancer dans une équation à plusieurs inconnues. Aujourd’hui, rien n’est encore gagné, mais grâce à la mobilisation collective des acteurs de la filière, les premiers résultats sont là : 12 tonnes de déchets ont été traitées par Paillettes, 2 postes d’encadrant et 8 de salariés en insertion ont été créés au sein de la ressourcerie Aire Trésor à Die. Ce n’est que le début.

La transition écologique est par nature un processus incertain. La coopération territoriale nécessite non seulement de la patience, mais aussi du courage de la part des acteurs engagés qui doivent avancer sans certitude de résultat.

 

Transformer les modèles économiques et juridiques

Libelul est une solution d’autopartage impulsée et opérée par l’association Dromolib. Dans le cadre de marchés passés avec Dromolib, les communautés de communes du Val de Drôme en Biovallée et du Crestois et du Pays de Saillans ont permis de mettre en œuvre une expérimentation de 4 voitures en libre service à Aouste, Eurre et désormais Loriol, pendant 2 ans. C’est une réussite ! Les usagers sont au rendez-vous. Au cours de la première année, les 4 voitures ont parcouru 29 000 kilomètres cumulés partagés par 55 conducteurs et conductrices. Une nouvelle étape s’ouvre, au moment où les aides publiques européennes et nationales mobilisées par Dromolib pour cette phase initiale s’arrêtent. Comment assurer la pérennité d’un service d’autopartage au bénéfice des usagers ? Comment déployer ces solutions largement dans toute la vallée ? Dromolib souhaite maintenant se concentrer sur une forme d’autopartage communautaire, basée sur l’engagement des citoyens, qui pourrait trouver un meilleur équilibre économique, du fait de charges réduites. Les collectivités réfléchissent à leur positionnement sur l’autopartage, à l’issue de cette première période d’expérimentation de Libelul en libre service. Un éventuel partenariat pourrait se reformer à l’avenir, sous des formes contractuelle et relationnelle différentes.

La coopération territoriale implique de s’émanciper des modèles économiques et juridiques traditionnels, qui peuvent parfois constituer des freins à la réalisation de projets innovants. L’identification et la mobilisation de modèles hybrides et collectifs sera sans doute nécessaire pour mettre en œuvre et déployer des solutions de transition viables dans la durée.

 

Du temps, de la confiance, de l’animation, de l’ingénierie territoriale, de l’audace, de la persévérance… Il semblerait que nous ne soyons pas démunis de ces atouts en Biovallée. Continuons à les cultiver et à renforcer notre culture commune de la coopération !

Share This